Libre circulation des médecins : la formation postgraduée doit être clairement affichée

in Revue Médicale Suisse du 7 mars 2012, auteur Dr Patrick SAUDAN (HUG - Député au Grand Conseil Genevois)

Opinion

Lorsque nos citoyens achètent une prestation auprès d’un fournisseur, ils se renseignent afin d’avoir le meilleur rapport qualité-prix. Dans le domaine de la santé et des médecins en général, les patients choisissent leur médecin traitant souvent sur la base du bouche-à-oreille ou sur des recommandations d’autres professionnels de la santé. La compétence d’un médecin, et donc la qualité des soins qu’il prodiguera à ses patients, dépend en partie de la formation à l’université (lorsqu’il est étudiant en médecine), mais avant tout de la formation postgraduée accomplie en hôpital. Celle-ci transforme les jeunes médecins, fraîchement émoulus des études, en professionnels aptes à soigner notre population.

La formation postgraduée en Suisse est longue, minimum cinq ans, impose des années en hôpital universitaire, dans plusieurs services différents, et est reconnue par l’obtention d’un diplôme de spécialiste (anciennement appellation FMH). Nos médecins de premier recours ont donc, dans leur grande majorité, un diplôme de spécialiste en médecine générale ou interne et ont donc fait au minimum cinq ans de formation avant de s’installer. Quant aux spécialistes, leur formation nécessite le plus souvent entre six et huit ans de pratique dans des établissements hospitaliers.

En 2010, la clause du besoin a été levée pour les médecins de premier recours. Depuis, Genève, en particulier, a vu déferler des médecins généralistes de l’Union européenne (UE). Ceux-ci ont une formation postgraduée bien inférieure en durée à celle exigée en Suisse. Nul doute que ce mouvement va s’étendre au reste des cantons suisses frontaliers. Ces médecins reçoivent un diplôme de praticien fédéral en vertu des accords bilatéraux, qui obligent la Suisse à reconnaître les formations médicales de l’UE. En 2012, la clause du besoin a été définitivement levée également pour les spécialistes et l’on peut par conséquent s’attendre à une forte augmentation du nombre de médecins spécialistes en provenance de l’UE.

Loin de moi l’idée de remettre en cause les bilatérales et la libre admission de ces médecins en Suisse (d’autant plus qu’une pénurie de médecins s’annonce dans notre pays comme chez nos voisins), mais les habitants de ce pays devraient, avant de les choisir, connaître leur niveau de formation postgraduée. Un diplôme de praticien fédéral ne correspond qu’à trois ans de pratique postgraduée et un diplôme de spécialiste, décerné en Suisse, correspond au minimum à cinq ans de formation postgraduée et dûment vérifiée dans des établissements reconnus par la FMH.

Libre circulation des médecins oui, mais reconnaissance de la valeur de la formation postgraduée suisse aussi. Les habitants de Suisse doivent être des patients éclairés et donc pouvoir connaître le lieu de formation postgraduée de leurs médecins. Etant médecin- cadre dans un hôpital universitaire, je ne suis pas concerné directement par cette problématique. En tant qu’élu cantonal dans une région touchée par cette problématique, j’ai demandé par voie de motion, que le Conseil d’Etat genevois modifie l’article 14 de notre règlement sur les professions de la santé afin que les médecins exerçant en pratique privée (toutes structures de soins confondues) indiquent expressément le pays d’obtention du diplôme de médecin et du titre postgrade initial, notamment sur la plaque à l’entrée de leur domicile professionnel indiquant leur cabinet.

Cette initiative devrait idéalement s’étendre au reste de notre pays. Elle devrait se faire en concertation avec les associations professionnelles cantonales concernées, afin de trouver la signalétique appropriée qui permette aux patients de connaître facilement le lieu de formation postgraduée des médecins. Pas de protectionnisme donc, mais une information claire, qui met en évidence où la formation postgraduée a été effectuée afin de permettre aux résidents de notre pays de choisir leurs médecins de la manière la plus éclairée possible.

Dr Patrick SAUDAN